Au café Florian, nous avions rendez-vous,
Il faisait novembre en plein cœur du mois d’août,
Pierrot avait jeté sa plume dans la lagune
Et même les pigeons étaient taciturnes.
Chante gondolier chante, j’ai un trou de mémoire,
Cette barcarolle qui nous contait l’histoire
D’une femme souveraine et de son cher amant.
Sur la place St-Marc tout était comme avant…
Comme avant le temps de la déchirure
Aux draps de velours d’un amour si pur,
Que jamais, jamais, nous n’aurions pensé
Que quelqu’un un jour pourrait déchirer
La page noircie de millions de baisers,
De promesses folles et d’éternité…
Sous les masques se cachent quelques maraudeurs
Qui, tapis dans l’ombre, attendent leur heure.
Parfois on se meurt d’une juste innocence,
Comment ça s’écrit, sais-tu, le mot méfiance ?
Dieu n’est pas un seul comme on le fait croire
Et il y a plus d’enfer que de purgatoire …
Au café Florian, il y a des amoureux
Qui au petit jour ont les yeux dans les yeux
Des rêves insolents et des feux de Bengale,
Qu’ils dessinent en riant dans les eaux du canal.
Il faut oublier, mais comment oublier ?
Quand je les regarde, je nous vois rapiécés,
Le cœur suturé, à tout jamais blessé,
Et au temps qui reste nos vies fracassées.
Annie K. Barbier
Mémoires d’un coeur funambule
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